Ces Européens qui restent exclus des élections européennes

Près de 17 millions de citoyens de l'UE vivent dans un État membre différent de leur État d'origine. Bien qu'ils en aient la possibilité, très peu d’entre eux votent aux élections du Parlement européen dans le pays où ils résident. Une occasion perdue de favoriser une politique plus transnationale.

Published On: janvier 31st, 2019
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Ces Européens qui restent exclus des élections européennes

Près de 17 millions de citoyens de l’UE vivent dans un État membre différent de leur État d’origine. Bien qu’ils en aient la possibilité, très peu d’entre eux votent aux élections du Parlement européen dans le pays où ils résident. Une occasion perdue de favoriser une politique plus transnationale.

 Un bureau de vote à Thessalonique en 2014 (© Ververidis Vasilis /Shutterstock)

Si tous les Roumains résidant en Italie fondaient un parti et votaient pour lui, ils dépasseraient le seuil de 4 % et éliraient trois des 76 députés européens qui reviennent à ce pays. En effet, près de 1 200 000 Roumains résident en Italie, ce qui en fait le plus grand groupe d’étrangers communautaires au sein d’un pays de l’Union européenne. Or, seule une petite partie d’entre eux ira voter aux élections du Parlement européen le 26 mai prochain.

L’inscription sur les listes électorales pose problème

N’importe quel citoyen de l’Union européenne peut voter aux élections européennes dans le pays où il réside. Il n’est pas nécessaire de prouver une longue période de résidence, ni même d’acquérir une nouvelle nationalité. La seule condition est de s’inscrire sur les listes électorales (sauf en Lettonie et en Lituanie, où les résidents communautaires sont inscrits d’office). À titre d’alternative, tout étranger résidant en Italie peut également décider d’aller voter dans son pays d’origine ou de voter pour un parti de son pays auprès de son consulat ou par correspondance.

Les conditions et délais d’inscription sur les listes électorales dans le pays de résidence varient selon les États. En Italie, il est possible de s’inscrire jusqu’au 24 février pour les élections de cette année, tandis que le délai est fixé vers la mi-avril dans la plupart des autres États européens. Il ne s’agit généralement pas d’une procédure trop onéreuse, mais peu de personnes sont au fait des conditions d’inscription, tandis que de nombreux étrangers communautaires ne savent même pas qu’ils ont le droit de voter dans le pays où ils résident. C’est la raison pour laquelle 8 % seulement des citoyens européens résidant dans un autre État s’étaient inscrits pour participer aux dernières élections du Parlement européen.

Présence importante d’étrangers communautaires

En Europe, il n’y a jamais eu autant de citoyens communautaires résidant dans un pays différent de leur pays d’origine : leur nombre s’élève à près de 17 millions de personnes, soit plus de 3 % des citoyens de l’UE. Les communautés roumaine et polonaise sont les plus nombreuses en termes absolus. En termes relatifs, plus de 10 % des citoyens de nationalité roumaine, bulgare, croate, lettone, lituanienne et portugaise vivent à l’étranger.

Chacun des cinq plus grands pays de l’Union européenne accueille au moins un million de citoyens provenant d’autres États membres. Dans des pays tels que l’Irlande, la Belgique et l’Autriche, les étrangers communautaires représentent même 8 à 9 % des électeurs potentiels pour les élections européennes.

En définitive, la participation de ces citoyens aux élections pourrait faire la différence dans de nombreux pays. Ce serait une façon de les extirper du rôle subalterne auquel ils sont souvent confinés dans le débat public national (ce qui est également dû au fait que les étrangers communautaires peuvent voter aux élections administratives et européennes mais sont exclus des élections politiques). En outre, cela permettrait à cette communauté transnationale, de plus en plus nombreuse, de faire entendre sa voix. Ces étrangers se distinguent par leur grande diversité : il s’agit d’aidants, de camionneurs, de médecins et de chercheurs, autant de personnes confrontées sur le terrain aux opportunités (et défis) que présente la libre circulation dans l’espace européen.

Une participation extrêmement réduite

Tout le paradoxe réside dans le fait que ces nombreux citoyens sont les protagonistes de l’intégration européenne alors que seule une faible proportion d’entre eux vote aux élections européennes. Les données portant sur les dernières élections révèlent que près de 95 % des étrangers communautaires n’ont pas voté dans leur pays de résidence. En outre, très peu ont voté par correspondance ou auprès de leur consulat. En 2014, par exemple, 3 806 Roumains, 745 Polonais et 631 Bulgares se sont rendus à leur consulat en Italie, tandis qu’à peine 6 % des Italiens résidant à l’étranger ont voté pour les listes italiennes.

Peu de données sont disponibles sur la participation électorale des étrangers communautaires, ce qui confirme à nouveau le peu d’intérêt qu’ils suscitent auprès de l’opinion publique et des autorités. Le Parlement européen ne recueille pas ces données et peu d’États informent sur le sujet : seuls cinq pays sur 28 collectent et diffusent les données relatives au taux de participation. Contacté par OBCT, le ministère italien des Affaires étrangères n’a fourni aucune information sur les électeurs étrangers inscrits en Italie.

Pourquoi les étrangers communautaires sont-ils si peu nombreux à participer aux élections européennes alors qu’ils en ont la possibilité ? Les raisons sont diverses, allant de la méfiance à l’égard de la politique au désintérêt pour l’Union européenne, en passant par des facteurs socio-économiques et culturels et un manque de connaissance quant à leurs droits et aux procédures en vue d’exercer ces derniers. Décidée à combattre certains de ces facteurs, l’Union européenne a lancé une campagne de sensibilisation en vue des prochaines élections de mai : Cette fois je vote.

Une autre réponse possible aurait consisté à réserver une partie des sièges au Parlement européen à des candidats élus sur des listes transnationales. De la sorte, un Roumain résidant en Italie n’aurait plus été confronté au choix de voter pour des partis italiens ou de se rendre à son poste consulaire afin de voter pour des candidats roumains, mais aurait pu trouver au bureau de vote de son quartier des compatriotes figurant sur les nouvelles listes européennes, à qui il aurait pu accorder directement son suffrage. L’attribution d’un quota de sièges à des listes transnationales aurait rendu plus visibles tous les Européens qui vivent hors de leur pays d’origine. Mais cette proposition n’a toujours pas reçu un accueil favorable.

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