Comment les partis européens veulent influencer l’opinion publique

Le climat, l’économie, mais aussi l’immigration. Les candidats et partis dans la course pour arracher des sièges du Parlement européen dépensent des millions d’euros en publicité électorale sur Facebook. Nous nous sommes penchés sur le contenu d’environ 35 000 publicités diffusées dans 5 pays.

Published On: mai 27th, 2019
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Comment les partis européens veulent influencer l’opinion publique

Le climat, l’économie, mais aussi l’immigration. Les candidats et partis dans la course pour arracher des sièges du Parlement européen dépensent des millions d’euros en publicité électorale sur Facebook. Nous nous sommes penchés sur le contenu d’environ 35 000 publicités diffusées dans 5 pays.

Le changement climatique est une question primordiale pour la Suède et les Verts – pas tant pour les autres. L’immigration est au cœur des préoccupations des partis de droite – moins pour les autres. L’économie, en revanche, rallie tous les partis. Telles sont les principales conclusions de l’analyse de données réalisée sur des dizaines de milliers de publicités sur Facebook.

Afin d’avoir une vue d’ensemble au niveau transnational, nous avons travaillé sur cette analyse avec des partenaires du Réseau européen de datajournalisme (EDJNet ) d’Allemagne, d’Italie, de Suède et de Hongrie. Nous vous présentons ici les conclusions de ce partenariat.

1. Autriche : 600 000 € pour des publicités centrées sur l’économie et l’immigration

En Autriche, près de 600 000 € ont été consacrés aux publicités sur Facebook dans le cadre de la campagne électorale des européennes. Environ la moitié a été dépensée par les pages Facebook des partis, des chefs de formations ainsi que des deux principaux candidats des forces politiques figurant dans l’analyse. Le FPÖ a dépensé 120 000 €, soit plus que le SPÖ (100 000 €) ou les Verts (50 000 €).

On constate de grandes disparités dans les questions de politique européenne sur lesquelles les partis se concentrent dans leurs publicités. La préoccupation principale du FPÖ est l’immigration qui représente environ 30 % de ses dépenses en publicité ; le SPÖ consacre environ 20 % de ses dépenses publicitaires à des posts sur l’économie ; tandis que l’ÖVP aborde toute une gamme de sujets, consacrant 10 % à la criminalité et 10 % à l’économie.

Les principaux sujets des partis politiques européens – en fonction du budget publicitaire
  ÖVP FPÖ SPÖ NEOS Verts
Climat/Environnement 5 0 4 7 58
Criminalité 13 6 2 1 5
Economie 11 1 23 0 3
Immigration 6 30 0 1 1

5% des dépenses publicitaires de l’ÖVP ont été consacrées aux contenus liés au climat ou à l’environnement. Source : Facebook / recherche personnelle

Néanmoins, il y a de nombreux posts (et les dépenses publicitaires qui y sont associées) qui ne peuvent être rattachés à un problème de politique européenne spécifique : soit ils ne contiennent pas de texte (ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas être rangés d’office dans une catégorie), soit ils se concentrent sur la politique intérieure, soit encore ils sont des appels à soutien. Ce type de publicité représente 60 % des dépenses publicitaires identifiées en Autriche.

Les publicités les plus coûteuses : le Parti de la Liberté (FPÖ), le diffuseur de radio autrichien ORF et l’immigration

On compte jusqu’à présent trois publications payantes qui ont coûté plus de 10 000 € chacune (Facebook ne donne que des fourchettes comme « de 10 000 à 49 999 € » pour les contenus promus). Elles ont toutes été publiées par la page Facebook de Harald Vilimsky et payées par le FPÖ.

 

La politique intérieure dans la campagne électorale des européennes

Les révélations de la vidéo d’Ibiza sur l’ancien vice-chancelier Heinz-Christian Strache et le président du FPÖ Johann Gudenus ont, dans une certaine mesure, donné une autre direction à la campagne électorale européenne. Seul un petit nombre de messages publicitaires publiés depuis vendredi dernier étaient liés aux questions européennes.

 

2. Les principaux partis : des différences de préoccupations affichées

Si nous comparons la publicité diffusée par les partis nationaux réunis au sein des groupes politiques du Parlement européen, nous constatons des différences majeures entre eux. Par exemple, alors que l’ÖVP a mis l’accent sur l’économie, le parti Fidesz de Viktor Orbán a consacré la moitié de ses dépenses de publicité à l’immigration – un sujet à peine mentionné par les partis allemands CDU/CSU. Dans le même temps, le Parti populaire suédois s’est quant à lui fortement concentré sur le climat et l’environnement.

3. L’économie compte pour tous les partis

Il y a certains sujets parmi tous les domaines politique pour lesquels les formations ont investi une part conséquente de leur budget publicitaire, en particulier l’économie et les mots clés qui s’y rapportent, comme « revenus » et « société ». Toutes les forces politiques, de l’AFD à l’extrême gauche, s’évertuent à faire passer leurs messages sur cette question.

4. Le changement climatique : une question primordiale pour la Suède et les Verts

La stratégie publicitaire des Verts est centrée sur le climat et l’environnement. La plupart des autres partis suédois communiquent aussi beaucoup sur ces thèmes – le Parti conservateur est le seul dans les pages de l’analyse à y avoir consacré moins de 20 % de ses dépenses publicitaires.

5. Le sprint final encore à venir

Les dépenses publicitaires des partis connaissent toujours un pic dans les derniers jours d’une campagne électorale afin de convaincre les électeurs indécis restants. Facebook publie quotidiennement la mise à jour des montants dépensés pour la publicité sur la plateforme par les partis et les candidats.

Méthodologie

Les partenaires d’EDJN en Autriche, en Allemagne, en Hongrie, en Italie et en Suède ont travaillé ensemble afin d’établir une comparaison internationale des questions abordées lors de la campagne électorale.

Le réseau social publie les listes de toutes les publicités souscrites sur les pages Facebook. Nous avons analysé les publicités apparaissant sur les pages des partis, des chefs de formations et jusqu’à trois des principaux candidats de chaque force politique aux élections européennes. Leurs textes ont été vérifiés pour ce qui est des mots-clés spécifiques relatifs aux questions de politique européenne identifiées par Addendum. Les images et vidéos ne pouvant faire l’objet d’une analyse automatique, leur contenu n’a pas été pris en compte ; tout texte descriptif les accompagnant a toutefois été analysé.

Si un texte publicitaire contenait l’un des mots-clés listés, il était indiqué comme étant relatif au(x) sujet(s) correspondant(s). Cela veut dire que le coût d’une publicité peut avoir été répertorié plus d’une fois, pour différents sujets. C’est pour cette raison que les pourcentages indiqués dans les dépenses publicitaires peuvent dépasser les 100 %.

Les mots-clés ont été sélectionnés sur la base de nos connaissances et de notre discernement. Des contrôles aléatoires ont été effectués pour vérifier leur précision en tant qu’indicateurs de sujets spécifiques. Nous ne pouvons cependant exclure des erreurs d’attribution. Nous recommandons par conséquent de traiter les chiffres relatifs à la part de publicité de chaque sujet à titre indicatif.

Initiative de transparence Facebook

Ce sont les premières élections en Autriche pour lesquelles Facebook s’est engagé à rendre transparente la publicité électorale. Cela se fait de deux manières.

Tout d’abord, la semaine passée, le réseau social a publié tous les jours un « rapport sur la bibliothèque publicitaire », une liste des publicités mise-à-jour quotidiennement indiquant précisément qui a dépensé combien et en provenance de quelles pages Facebook.

Deuxièmement, la « bibliothèque publicitaires ». Il s’agit d’un site montrant toutes les publicités placées par les pages Facebook. C’est important car la publicité sur Internet peut être ciblée avec précision, ce qui signifie que les différentes catégories de la population regardent des messages différents.

Pour chaque publicité, le montant dépensé est aussi indiqué sous la forme d’une fourchette de prix. Le coût des publicités les plus chères en Autriche s’élevait à un montant compris entre 10 000 et 49 999 €. Le nombre d’hommes et femmes des différents groupes d’âge touchés par chaque publicité est également disponible.

Il manque cependant une information importante : le groupe ou l’intérêt pour le compte duquel la publicité a été mise en ligne. Elle n’est disponible que pour les utilisateurs qui regardent la publicité dans leur flux Facebook et cliquent sur « pourquoi cette publicité ». Les projets précédents de crowdsourcing visant à rendre la publicité sur Facebook plus transparente ont reçu ces informations de la part de volontaires via un plugin de navigateur. Facebook Ad Collector de ProPublica était l’un de ces projets mais, à cause des modifications ultérieures de Facebook, cet outil ne fonctionne plus.

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