Le pacte vert pour l’Europe est-il empreint de rouge ?

Le programme ambitieux de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, atteindra-t-il les objectifs climatiques et sociaux ?

Published On: janvier 25th, 2020
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Le pacte vert pour l’Europe est-il empreint de rouge ?

Le programme ambitieux de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, atteindra-t-il les objectifs climatiques et sociaux ?

Au lendemain de la crise financière de 2007-2008, « établir une Europe plus sociale » est devenu l’un des objectifs de la Commission Juncker. Un des mantras politiques accrocheurs qui a signifié ce changement de priorités était « l’équilibre entre la dimension économique et la dimension sociale » de l’Europe. Cependant, aujourd’hui, la nouvelle Commission von der Leyen semble être beaucoup plus axée sur la mise en place d’un pacte vert pour l’Europe . Il convient donc de se poser la question : le vert est-il le nouveau rouge ?

Le pacte vert pour l’Europe « fait-il le job » social ?

« Dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, la dimension sociale jouera un rôle important en termes de mise en œuvre, mais aussi de fixation des objectifs », rassure Francesco Corti, chercheur postdoc à l’Université de Milan. Il ajoute que « Au bout du compte, c’est la santé des individus appartenant aux classes sociales modestes qui est la plus affectée par l’inaction climatique ».

« Je suppose que la question est plutôt de savoir si la Commission a des objectifs sociaux indépendamment du pacte vert ». Francesco Corti pense que la réponse doit être positive. « La CE a clairement fait comprendre que la préparation d’une directive-cadre sur les salaires minima, un régime européen de chômage et une garantie pour les enfants figuraient parmi les objectifs-clés de la prochaine législature ».

Cependant, selon David Adler, coordinateur politique du Mouvement pour la démocratie en Europe 2025 (DiEM25), qui a publié un New Deal vert alternatif avant les dernières élections européennes, mais n’a remporté aucun siège au Parlement européen, « Le pacte vert européen [de la CE] a été salué comme une solution visionnaire à la crise climatique : les objectifs les plus ambitieux du monde, le premier continent au monde à zéro émission, le plus grand plan de la ferme au four. Malheureusement, le monde a placé la barre trop bas – et l’UE n’a pas visé assez haut ».

David Adler fait valoir que le pacte vert européen de la CE « ne fait aucun effort pour atteindre les coins reculés du continent qui souffrent le plus d’années d’austérité, de chômage, de maladie et de conditions de vie indécentes ». « Il est tout simplement trop petit, trop lent et trop collé à un modèle de croissance économique qui valorise la performance financière aux dépens de la santé humaine et de l’habitat », ajoute-t-il.

L’Observateur des droits sociaux SOLIDAR

Bien que les efforts de la CE dans le domaine social dans l’héritage de Jean-Claude Juncker fassent toujours débat, il est indéniable qu’Ursula von der Leyen a hérité de son prédécesseur au moins deux nouveautés institutionnelles majeures : le plan Juncker (plan d’investissement pour Europe) et le Socle européen des droits sociaux (SEDS).

En 2017, ce dernier a été salué comme une étape importante par de nombreux experts européens. Aux yeux des décideurs, le SEDS aurait ouvert la voie à des innovations majeures dans le domaine des politiques sociales au niveau européen.

Cependant, en novembre 2019, SOLIDAR (un réseau européen regroupant des organisations de la société civile) a publié son rapport annuel Social Rights Monitor (observateur des droits sociaux). L’étude se base sur les données d’Eurostat et donne un aperçu de l’état des droits sociaux dans 15 pays de l’UE plus la Serbie. Il évalue l’état des normes sociales en termes d’égalité des chances, de conditions de travail équitables, de protection sociale et d’inclusion. Et surtout, il analyse également dans quelle mesure ces besoins sociaux sont repris dans les recommandations spécifiques par pays (RSP) publiées par la Commission européenne dans le cadre du mécanisme de gouvernance du semestre européen.

Le graphique 1 ci-dessus donne un aperçu des indicateurs quantitatifs sur lesquels l’observateur est construit, tandis que l’outil interactif ci-dessous présente, pour chaque État membre de l’UE, les évaluations qualitatives de SOLIDAR des recommandations par pays, ainsi que d’autres détails.

Le SEDS est-il passé à côté de ses objectifs ?

Le rapport indique qu’il est inquiétant de constater que « malgré l’introduction du tableau de bord social », une innovation visant à surveiller les performances des États membres qui ont suivi la proclamation institutionnelle du SEDS, « les recommandations par pays de la Commission européenne continuent d’être centrées sur la macroéconomie et ne parviennent pas à placer les objectifs sociaux de l’Europe au cœur des RSP ».

Le rapport étant paru presque exactement deux ans après la proclamation institutionnelle du socle européen des droits sociaux (SEDS), il convient de se demander si le SEDS est bien devenu une réalité .

Selon Laura de Bonfils, coordinatrice de la politique sociale chez SOLIDAR, à la lumière de la création de l’EPSR, « il y a eu une évolution positive dans le cadre du Semestre ». Cependant, les progrès enregistrés jusqu’à présent « ne sont pas suffisants ». « Les recommandations [de la CE] se concentrent généralement sur la dimension économique », ajoute-t-elle. Laura de Bonfils renouvelle l’appel à « un meilleur équilibre entre les recommandations économiques et sociales au sein des PSP ».

Mais la question demeure : est-il réaliste d’imaginer que la situation s’améliore rapidement grâce au pacte vert européen ? Et dans le contexte de la majorité actuelle du PE, qui regroupe le Parti populaire européen (PPE), l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D) et les libéraux (RE), qui devrait vraiment être considéré comme responsable de la concrétisation de la promesse de Juncker consistant à relancer le modèle social européen ?

D’un point de vue idéologique, il serait tout simplement naturel de pointer du doigt le groupe S&D. Mais Ursula von der Leyen a nommé intelligemment Frans Timmermans, leader et chef de file de S&D lors des dernières européennes, vice-président responsable du pacte vert européen. Autrement dit, il sera occupé par la question verte. En attendant, une partie de l’électorat S&D continuera de le juger lui ainsi que sa famille politique sur le coloris rouge qu’il aura instillé (ou non) dans les politiques de l’UE.

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