Émissions de CO2 : des mesures insuffisantes

Le Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE), le principal levier de l’UE pour lutter contre les émissions de CO2, semble ne pas avoir obtenu les résultats escomptés. Des groupes industriels de premier plan, souvent avec l’accord de leurs propres gouvernements, profitent des faiblesses du système et continuent à produire de l’énergie fossile.

Published On: février 4th, 2021
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Émissions de CO2 : des mesures insuffisantes

Le Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE), le principal levier de l’UE pour lutter contre les émissions de CO2, semble ne pas avoir obtenu les résultats escomptés. Des groupes industriels de premier plan, souvent avec l’accord de leurs propres gouvernements, profitent des faiblesses du système et continuent à produire de l’énergie fossile.

(© levelupart / Shutterstock)

L’une des solutions pour réduire les émissions de CO2 – les gaz à effet de serre étant l’une des principales causes du réchauffement climatique – est de les taxer. Cette politique de prix du carbone est une approche de marché qui considère les émissions comme des biens à échanger et à taxer au niveau international.

Le Système d’échange de quotas d’émissions de l’Union européenne

A l’échelle de l’Europe, l’instrument de prix du carbone le plus important est le Système d’échange de quotas d’émissions, la pierre angulaire de la politique de transition énergétique de l’UE et, plus largement, du combat contre le changement climatique.

Lancé en 2005, le SEQE-UE est le premier marché d’émissions de CO2 jamais créé et reste le plus important, comprenant environ 11 000 industries dans les secteurs de l’énergie et du transport aérien à travers tout le territoire européen, mais également en Norvège, en Islande et au Liechtenstein.

Le SEQE-UE fonctionne sur un système appelé le “marché des droits à polluer”. Pour chaque pays, un objectif annuel d’émissions de CO2 est négocié, alors que les industries opérant sur le marché européen disposent de quotas fixes. D’année en année, les entreprises les moins polluantes peuvent vendre leur surplus de crédits CO2 aux entreprises responsables de plus de pollution que ce qui était estimé. Des pénalités proportionnelles aux excès d’émissions sont également appliquées aux sociétés qui émettent plus de CO2 que ce qui avait été fixé.

Idéalement, le SEQE-UE devrait encourager la décarbonisation, étant donné qu’année après année, le seuil maximum s’abaisse, alors que le coût des pénalités augmente. Il devient donc excessivement cher de produire de l’énergie en utilisant des méthodes nocives pour l’environnement, comme le sont les énergies fossiles.

Jusqu’à présent, le SEQE-UE semble ne pas avoir l’effet escompté : les émissions du secteur de l’énergie n’ont été que peu affectées. Un étude récente de l’Institute for New Economic Thinking, dressant un tableau plus large, montre que la réduction effective des émissions grâce à la politique de prix du carbone représente seulement 1 à 2,5 % du total.

Cette performance médiocre n’est pas une surprise. Au fil des années, les critiques sont devenues monnaie courante. En 2007, Politico avait déjà décrit l’EU ETS comme un marché où les entreprises “achètent et vendent le droit de polluer”. Ce marché a également hébergé une fraude de plusieurs milliards d’euros. Ces activités exploitent les faiblesses systémiques, tandis que les difficultés et les retards entravent leur résolution.

Les contradictions des projets de décarbonisation

Selon Corporate Europe, de grandes multinationales ont commencé à utiliser le marché du SEQE-UE comme une opportunité pour obtenir des subventions et accroître leurs profits plutôt que de mettre en place une transition énergétique et d’agir contre le changement climatique. Dans ce cas aussi, il y a eu d’importantes actions de lobbying pour maintenir ce statu quo biaisé.

De toutes les failles en faveur des affaires peu scrupuleuses de l’environnement, l’une des pires est le système de compensation carbone, qui profite de crédits internationaux à dépenser sur le marché du CO2 pour des projets de décarbonisation dans d’autres régions. C’est assez simple : si une industrie présente un projet qui réduit ses émissions de CO2, la réduction effective estimée est soustraite de leurs émissions effectives.

Malheureusement, certains de ces projets de décarbonisation sont très opaques, comme cela a déjà été dénoncé il y a dix ans. Plus récemment, une enquête du journal danois Politiken a révélé que certaines de ces initiatives sont fictives, et peuvent être jugées comme des fraudes climatiques en tout point. En ce qui concerne les objectifs fixés et leur réalisation, ces projets se sont souvent révélés déconnectés de la réalité de leurs enjeux, et produisent des résultats minimes.

Les projets de décarbonisation hors Europe offrent également aux multinationales des bénéfices douteux. Prenons ENI par exemple : son projet de reforestation en Afrique était de planter ostensiblement des arbres à des fins industrielles, mais était décrit comme de l’accaparement des terres. Des critiques similaires ont été adressées à Royal Dutch Shell.

Le rôle des États membres

Aux côtés des groupes industriels, les États membres jouent également un rôle clé dans le succès très limité des politiques de décarbonisation en Europe. Ils allouent des subventions conséquentes aux entreprises du secteur de l’énergie. Selon les données collectées par Investigate Europe, près de 140 milliards d’euros d’argent public sont dépensés chaque année pour financer l’énergie fossile en Europe. Les bénéfices peuvent prendre différentes formes : exonérations ou réductions fiscales, subventions directes pour la production ou l’utilisation de combustibles fossiles, ou allocation gratuite de quotas d’émission que les entreprises peuvent dépenser sur le marché du SEQE-UE.

En plus de continuer à soutenir les combustibles fossiles, de nombreux États membres n’ont pas participé à la mise en œuvre des modifications du SEQE-UE introduites par la Commission et le Parlement européen en mars 2018. Dans la nouvelle directive, des mesures supplémentaires ont été établies pour déterminer une augmentation du prix des émissions. Il s’agit d’instruments empêchant les fuites de carbone et de deux mécanismes d’appui à l’investissement dans la transition énergétique : le Fonds d’innovation et le Fonds de modernisation. Le seuil d’émissions baissera également plus rapidement.

À ce jour, 19 États membres sont soumis à des procédures d’infraction pour non-application de cette directive. Les initiatives de la Commission ont tendance à se heurter à la réticence des États membres. Selon les données publiées par Openpolis sur les procédures d’infraction actuellement ouvertes, 25,7 % portent sur des questions environnementales.

Le rôle de surveillance joué par la Commission européenne est essentiel pour atteindre les objectifs d’émissions. Comme l’a rappelé le commissaire à la politique climatique Frans Timmermans, à Bruxelles, “nous n’enverrons pas de troupes dans les États membres. Seule la force de nos arguments devrait convaincre les États membres.”

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