Les Balkans (et l’Europe) étouffés par le charbon

Les 16 installations au charbon des Balkans occidentaux polluent autant que les 250 centrales en fonctionnement au sein de l'Union européenne, ce qui entraîne de graves conséquences sur la santé, et pas seulement dans la région

Published On: mars 29th, 2019
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Les Balkans (et l’Europe) étouffés par le charbon

Les 16 installations au charbon des Balkans occidentaux polluent autant que les 250 centrales en fonctionnement au sein de l’Union européenne, ce qui entraîne de graves conséquences sur la santé, et pas seulement dans la région

Photo: © kamilpetran/Shutterstock  

Les Balkans occidentaux (Bosnie-et-Herzégovine, Serbie, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Albanie) se situent au premier rang des pays européens dont l’air est le plus pollué en raison des combustibles fossiles, ce qui entraîne de sérieuses conséquences également pour les pays voisins. Ce grave problème environnemental a été soulevé dans un rapport publié récemment par les ONG HEAL, Sandbag, Climate Action Network Europe et CEE Bankwatch Network, dans le cadre de la campagne « Europe Beyond Coal » (L’Europe au-delà du charbon).

Les auteurs du rapport soulignent que les centrales au charbon entraînent chaque année le décès prématuré de milliers de personnes sur le continent européen : en 2016, il y aurait eu 2 013 décès dans les pays de l’Union européenne et 1 239 dans les Balkans occidentaux. À ces décès s’ajoutent de graves problèmes respiratoires et cardiovasculaires chez les adultes et les enfants. Les dommages pour la santé sont dus aux polluants provenant de la combustion du charbon, à savoir essentiellement les particules en suspension, le dioxyde de soufre (SO2) et les oxydes d’azote (NO2). Il ressort également du rapport que les conséquences négatives sur la santé résultent de l’exposition aux polluants à court et à long terme.

Selon les chercheurs, les centrales au charbon ont non seulement un impact négatif sur la santé des personnes, mais représentent également un coût important pour les systèmes de santé nationaux. Ainsi, le rapport indique qu’en 2016, la pollution des centrales au charbon a coûté entre 2 et 4 milliards au système de santé des Balkans occidentaux et entre 3,5 et 5,8 milliards d’euros aux pays de l’Union européenne (la Croatie et la Roumanie, en particulier).

Huit des dix installations les plus polluantes d’Europe sont établies dans les Balkans occidentaux. En moyenne, une centrale à charbon des Balkans occidentaux émet vingt fois plus de SO2 qu’une centrale située dans l’Union européenne. En 2016, les 16 centrales à charbon que comptent les Balkans occidentaux ont pollué autant que les 250 centrales en fonctionnement au sein de l’Union européenne. Les données disponibles indiquent que les centrales de Kostolac B, en Serbie, et d’Ugljevik, en Bosnie-et-Herzégovine, produisent à elles seules un quart du dioxyde de soufre émis par l’ensemble des centrales réparties dans toute l’Europe. Les centrales de la région sont souvent dépourvues d’installations de désulfuration et, même lorsque de tels équipements existent, leur fonctionnement laisse à désirer.

Une transition vers les énergies renouvelables ?

Alors que de nombreux États de l’Union européenne ont pour objectif de cesser la production d’énergie électrique par le biais du charbon d’ici à 2030, les pays des Balkans occidentaux souffrent d’une grande pauvreté énergétique et s’appuient encore sur des installations très anciennes et polluantes. Notons à cet égard que l’entreprise publique Elektroprivreda Srbije, entre autres, prévoit même un plan d’élargissement de la centrale Kostolac B, dont le contrat a été attribué à CMEC (China Machinery Engineering Corporation) et les travaux seront financés par la banque chinoise EximBank.

Pourtant, force est de constater qu’il est moins onéreux de se tourner aujourd’hui vers les énergies renouvelables que par le passé. Cette transformation nécessite certaines modifications du cadre réglementaire et une utilisation ciblée des ressources d’État. Ce besoin de changement ‑ mis en lumière également dans le rapport – a mené à la création de groupes de défense de l’environnement (dont Clear Air Movement, en Bosnie-et-Herzégovine), principalement concernés par l’extrême pollution de l’air. Ces différents groupes demandent à leur gouvernement de s’impliquer davantage dans cette problématique. Ce ne sont d’ailleurs pas les seuls, puisqu’en Serbie, en 2015, de nombreux médecins avaient présenté une pétition demandant de réduire la pollution atmosphérique, responsable de maladies cardiaques et respiratoires.

À titre d’exemple, la Bosnie-et-Herzégovine et la Macédoine du Nord disposent de nombreuses ressources naturelles pouvant constituer des sources d’énergie renouvelable. Selon le rapport, l’énergie électrique produite à partir de combustibles fossiles pourrait être réduite à hauteur de 85 % d’ici à 2050 dans ces deux pays. Il conviendrait, à cet égard, de suivre les lignes directrices du SEERMAP (The South East Europe Electricity Roadmap), un projet qui encourage le développement de l’énergie renouvelable à long terme, qui tient compte à la fois de la préservation du milieu naturel, du besoin de transparence et de l’implication des communautés locales.

Malgré la sécurité énergétique que procureraient de tels projets et le rapprochement qui en découlerait entre les pays des Balkans occidentaux et l’Union européenne, le rapport pointe du doigt la réticence de la classe politique locale, qui perçoit la transition énergétique comme une menace aux privilèges et au profit à court terme.

En conclusion, le rapport recommande à l’Union européenne de renforcer la lutte contre la pollution en appliquant des politiques intérieure et extérieure plus fermes et en donnant la priorité à la politique environnementale dans les négociations relatives à l’élargissement. Quant aux pays des Balkans occidentaux, il leur est demandé d’adopter d’urgence les mesures prévues par la directive européenne sur les grandes installations, de fermer dès que possible les centrales au charbon les plus polluantes et de mettre en œuvre les normes prévues par l’accord de Paris de 2015 en s’orientant vers les énergies renouvelables. Les intérêts et les demandes des citoyens nécessitent dans chaque cas une attention particulière et il convient de veiller à ce que chaque plan d’investissement en vue de la réduction de la pollution réponde globalement aux objectifs de protection de l’environnement.

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